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CA ORLEANS, 15 février 2007, droit sur l'image de l'animal

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Cour d'Appel
Chambre commerciale
15/02/2007
06/00988
article 544 du Code civil,articles L. 131-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
droit sur l'image de la chose, droit sur l'image de l'animal, exploitation par un tiers
Cour d’appel d’Orléans
 
chambre commerciale
 
Audience publique du 15 février 2007
 
N° de RG: 06/00988
 
 
 
 
REPUBLIQUE FRANCAISE
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
 
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
 
CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
 
 
GROSSES + EXPÉDITIONS
 
SCP -DESPLANQUES-DEVAUCHELLE
 
Me BORDIER
 
 
 
 
 
ARRÊT du : 15 FEVRIER 2007
 
 
No :
 
 
No RG : 06/00988
 
 
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 01 Décembre 2005
 
 
 
PARTIES EN CAUSE
 
 
APPELANTS :
 
Monsieur Jimmy X..., demeurant ...
 
représenté par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour
 
ayant pour avocat Me Jean-Claude Y..., du barreau de BLOIS
 
 
Madame Nicole Z... épouse X..., demeurant ...
 
représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour
 
 
D’UNE PART
 
 
INTIMÉS :
 
Monsieur Yves A..., demeurant ... EN SOLOGNE
 
représenté par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour
 
ayant pour avocat Me Jean claude MATHONNET, du barreau de NOGENT SUR MARNE
 
 
 
SYNDICAT NATIONAL DES AUTEURS ET DIFFUSEURS D’IMAGES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 55/57 rue de Vaugirard - 75006 PARIS
 
représentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour
 
ayant pour avocat Me Flore MASURE, avocat au barreau de PARIS
 
 
 
ASSOCIATION UNION DES PHOTOGRAPHES CREATEURS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 121 rue Vieille du Temple - 75003 PARIS
 
représentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour
 
ayant pour avocat Me LAGARDE, du barreau de PARIS
 
 
D’AUTRE PART
 
 
DÉCLARATION D’APPEL EN DATE DU 31 Mars 2006
 
 
COMPOSITION DE LA COUR
 
 
Lors des débats et du délibéré :
 
 
Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre,
 
Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller,
 
Monsieur Alain GARNIER, Conseiller.
 
 
Greffier :
 
 
Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats et du prononcé de l’arrêt.
 
 
DÉBATS :
 
 
A l’audience publique du 25 Janvier 2007, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
 
 
 
ARRÊT :
 
 
Lecture de l’arrêt à l’audience publique du 15 Février 2007 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l’article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
 
 
 
 
 
 
EXPOSÉ DU LITIGE
 
 
La Cour statue sur l’appel d’un jugement du tribunal de grande instance de Blois rendu le 1er décembre 2005, interjeté par les époux X..., suivant déclaration du 31 mars 2006, enregistrée sous le no 988/2006.
 
 
Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :
 
 
*27 septembre 2006 (par L’Union des photographes créateurs, dite UPC),
 
 
*18 octobre 2006 (par le Syndicat national des auteurs et diffuseurs d’images, dit SNADI),
 
 
*31 octobre 2006 (par M. A...),
 
 
*19 décembre 2006 (époux X...).
 
 
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que, dans des conditions discutées entre parties, M. A..., photographe animalier professionnel, a effectué, dans l’élevage de chiens de race bichon maltais des époux X..., des clichés de trois chiens, Fanny du Clos de St-Pétersbourg, Jennifer du Clos de St-Pétersbourg et Jupiter top de Nisjotial. Lui reprochant une exploitation commerciale et dépassant les limites de l’autorisation accordée des photographies ainsi prises, les époux X... ont assigné M. A... en réparation de leur préjudice, mais ont été déboutés par le jugement entrepris, dont ils ont relevé appel.
 
 
En cause d’appel, chaque partie a présenté, plus précisément, les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.
 
 
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2007, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.
 
 
 
Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l’arrêt était avancé à cette date.
 
 
 
MOTIFS DE L’ARRÊT
 
 
Attendu, en premier lieu, que les époux X..., qui ne se fondent sur l’existence d’aucune infraction à la loi sur la presse ni n’invoquent les conséquences dommageables d’une parution dans la presse des clichés litigieux dépassant les limites de la liberté d’expression, mais se plaignent seulement de l’utilisation, qualifiée par eux de détournée, de photographies comme supports de cartes postales et de fonds de cadran de pendules, ne peuvent se voir opposer, par M. A..., la prescription trimestrielle de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
 
 
Attendu, en revanche et en deuxième lieu, que les époux X..., qui reconnaissent n’être propriétaires - ce fait est d’ailleurs confirmé par les extraits produits du livre des origines français de la Société centrale canine - que d’un seul des trois chiens photographiés, Fanny du Clos de St-Pétersbourg, ne trouvent pas dans le fait que les deux autres appartiendraient à des membres de leur famille, qu’ils les élèveraient au Clos de St-Pétersbourg, du nom de leur exploitation, et que ces animaux leur auraient été prétendument confiés pour le reportage photographique, qualité pour agir en ce qui les concerne, dès lors qu’ils ne rapportent aucune preuve de ce qu’ils auraient été chargés de défendre en justice les droits des propriétaires, ni même qu’ils auraient eu un droit quelconque concernant ces deux autres chiens ;
 
 
Attendu, en troisième lieu, sur le fond, que, d’une façon générale, le propriétaire d’un bien, tel un animal, ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celui-ci, mais peut seulement s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers, lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ; que ce trouble ne peut résulter du seul fait - à quoi les époux X... le réduisent dans leurs conclusions - que, justement, M. A... a exploité commercialement l’image de leur unique chien photographié et les aurait ainsi privés des fruits de cette exploitation, qu’ils n’ont d’ailleurs jamais personnellement entreprise ; que, sauf à ruiner le principe exprimé plus haut, l’exploitation commerciale par un tiers de l’image d’un bien, au surplus très difficile à différencier, en l’espèce, en raison du caractère standard du chien, ne peut constituer par elle-même le trouble anormal exigé pour s’opposer à cette utilisation ;
 
 
Que, déplaçant leur argumentation, les époux X... ont également essayé de faire juger que, s’agissant d’un cliché pris à l’intérieur de leur élevage, donc nécessairement avec leur autorisation, qu’ils ne contestent d’ailleurs pas avoir donnée, la faute - contractuelle - ou le trouble anormal résulteraient ici du dépassement des limites de leur autorisation verbale, celle-ci n’ayant été accordée, selon eux, que pour la publication dans un numéro du magazine Atout chien des photographies réalisées en 1994 ou 1995 ; que, cependant, en l’absence de tout écrit, qui n’est pas nécessaire, ou de tout autre élément de preuve, les époux X... ne justifient pas qu’ils auraient ainsi limité leur autorisation, alors qu’il leur appartient, à partir du moment où ils ont accepté que M. A..., photographe professionnel, entre chez eux pour prendre des photographies d’un de leurs chiens, de démontrer la spécialité de leur autorisation et son objet précis ; qu’aucun élément n’établit, en l’espèce, qu’ils auraient interdit toute autre exploitation commerciale des clichés que celle tirée de leur reproduction dans un seul numéro de la revue Atout chien et cette limitation ne résulte pas davantage, fût-ce implicitement, de ce que le photographe aurait indiqué qu’il effectuait un reportage pour ce magazine ; que nul élément au dossier n’établit que les époux X... auraient empêché M. A... de vendre, en complément, ses clichés à une agence, ou auraient exigé d’en être informés ; que les époux X... ne craignent pas, non plus, le ridicule, en osant (p. 5 de leurs conclusions) soutenir que M. A... devrait lui-même rapporter par écrit la preuve de la cession de droits qu’ils lui auraient consentie, conformément aux dispositions des articles L. 131-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, semblant ainsi s’attribuer la qualité d’auteur, qui n’appartient, en l’espèce, qu’au photographe et non à eux-mêmes, qui ne sont que les propriétaires d’un des sujets photographiés, ce qui est une singulière conception de la propriété artistique ;
 
 
Que cette argumentation des époux X... n’est pas sérieuse et démontre, non seulement le caractère non fondé de leur action en paiement de 18.300 € de dommages-intérêts et en cessation de l’exploitation commerciale de la photographie de Fanny du Clos de St-Pétersbourg, mais aussi son caractère abusif ; qu’en effet, si l’on pouvait, à la rigueur, admettre, avec le premier juge, qu’au moment de l’introduction de l’instance devant lui, la jurisprudence n’était pas fixée sur le droit à l’image des biens, elle l’était clairement et définitivement depuis un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 mai 2004, de sorte que ce n’est que par un abus du droit d’appel que les époux X..., grâce à l’aide juridictionnelle, ont formé un recours contre le jugement, alors qu’ils n’ignoraient pas l’état du droit positif sur l’exploitation de l’image d’un bien rappelé par cette décision et, tentant de déplacer la discussion sur le terrain de la portée d’une autorisation de photographier, n’ont pas hésité à développer une argumentation fantaisiste sur le droit d’auteur et sur leur prétendue qualité à agir concernant deux des trois chiens photographiés ; que le préjudice résultant pour M. A... de l’abus du droit d’appel sera réparé par l’allocation d’une somme de 1.200 € de dommages-intérêts ;
 
 
Attendu, enfin, que le SNADI, syndicat dont M. A... est adhérent et qui représente, notamment, l’intérêt collectif des photographes professionnels, investi à ce titre d’une mission de défense des intérêts de ces derniers, est recevable - les époux X... ne le contestent d’ailleurs pas - à demander réparation du préjudice résultant pour la profession des prétentions de propriétaires d’animaux, comme les époux X..., à se voir reconnaître le droit d’interdire à un photographe animalier la vente de ses clichés pris à l’intérieur de leur domicile ou, plus généralement, leur exploitation commerciale, dès lors qu’ils l’ont autorisé, comme en l’espèce, à les prendre ; qu’en réparation de ce préjudice causé par l’acharnement procédural des époux X..., ainsi qu’en indemnisation de celui résultant de l’abus du droit d’appel, déjà souligné, il sera accordé au SNADI, comme demandé, la somme de 1 € de dommages-intérêts, outre la publication du présent arrêt par extraits significatifs, dans les limites indiquées par le présent arrêt ;
 
 
Que de même l’UPC, en tant qu’organisme de défense professionnelle des photographes créateurs, est recevable - ce que les époux X... ne contestent pas plus - à demander réparation du préjudice résultant des atteintes portées par ces derniers aux intérêts généraux des photographes, qui s’il n’y était pas mis fin, empêcheraient à terme, sans des contraintes excessives, la constitution d’un fond photographique animalier, dont la Cour, en dehors de circonstances exceptionnelles non rencontrées en l’espèce, a peine à comprendre quelle préjudice elle pourrait porter aux propriétaires des animaux représentés ; que la même somme de 1 €, toutes causes de préjudice confondues, lui sera donc accordée ;
 
 
Sur les demandes accessoires :
 
 
Attendu que les époux X... supporteront les entiers dépens et, à ce titre, devront verser à chaque intimé la somme globale de 2.000 € en remboursement de ses frais hors dépens, exposés aux deux degrés de juridiction ;
 
 
 
PAR CES MOTIFS
 
 
LA COUR,
 
 
 
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort :
 
 
CONFIRME le jugement entrepris en son principe, sauf à préciser son dispositif et à le compléter :
 
 
DÉCLARE irrecevable les époux X... à demander réparation du préjudice résultant de l’exploitation des clichés des deux chiens de race “bichon maltais” Jennifer du Clos de St-Pétersbourg et Jupiter top de Nisjotial qui ne leur appartiennent pas ;
 
 
 
 
 
REJETTE leurs demandes tendant à la cessation de toute exploitation commerciale des clichés pris par M. A... de la chienne Fanny du Clos de St-Pétersbourg et à l’allocation de dommages-intérêts ;
 
 
DÉCLARE recevables en leurs interventions l’Union des photographes créateurs (UPC) et le Syndicat national des auteurs et diffuseurs d’images (SNADI) ;
 
 
CONDAMNE solidairement les époux X... à payer les sommes suivantes :
 
 
*1.200 € de dommages-intérêts pour appel abusif à M. A... ;
 
 
*1 € de dommages-intérêts pour tous chefs de préjudice à l’UPC ;
 
 
*1 € de dommages-intérêts pour tous chefs de préjudice au SNADI ;
 
 
AUTORISE la publication du présent arrêt, au besoin par extraits significatifs, dans un ou plusieurs journaux ou revues au choix du SNADI, aux frais des époux X... dans la limite globale de 3.000 € hors taxes ;
 
 
CONDAMNE solidairement les époux X... aux dépens de première instance et d’appel et à payer à chaque intimé (M. A..., SNADI et UPC) la somme globale de 2.000 € par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, en remboursement des frais hors dépens exposés devant le tribunal de grande instance de Blois et la cour d’appel d’Orléans ;
 
 
DIT que les dépens seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle, sauf renonciation des avoués de la cause ;
 
 
ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président et Mme Fernandez, Greffier ayant assisté au prononcé de l’arrêt.
 
 
 
 
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
 
 
Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Blois , du 1 décembre 2005
 
 
Titrages et résumés : PROPRIETE - Droit de propriété - Titulaire - Prérogatives - Etendue - Droit sur l’image de la chose - Limites - Utilisation de l’image par un tiers - Condition - / JDF
 
Le propriétaire d’un animal, qui a autorisé un photographe animalier professionnel à photographier ce dernier à son domicile, n’a pas de droit exclusif sur l’image de l’animal et ne peut s’opposer à l’exploitation commerciale du cliché par le photographe, sauf à démontrer qu’elle lui cause un trouble anormal, qui ne résulte pas de cette seule exploitation, ou à rapporter la preuve que l’autorisation de photographier avait été assortie de conditions non respectées.
 
 
 
 
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000017584792&fastReqId=331923745&fastPos=1

Fiche créée le 10/12/2018 par B Beabab   vue 10 fois.