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Tribunal Administratif de Montreuil, 14 Mars 2018

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Tribunal Administratif
Juge des référés
14/03/2018
1802172
L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales et L. 243-3 du code des relations entre le public et l’administration
Cirque - Arrêté - Pouvoirs du maire -
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 1802172 ___________

M. XXX AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ___________

M. Marc Agnel Juge des référés Le juge des référés ___________

Ordonnance du 14 mars 2018 __________

24-01-02-01

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2018, M. XXX, représenté par Me Emery, avocat, demande au juge des référés d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension des effets de la décision du 6 mars 2018 par laquelle le maire de La commune de Saint-Denis a procédé au retrait de son précédent arrêté du 13 février 2018 portant permission de stationnement.

Il demande en outre de mettre à la charge de La commune de Saint-Denis le versement d’une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— l’urgence est caractérisée en ce que l’exécution de la décision attaquée implique qu’il doive sans délai et de façon prématurée désinstaller tous les équipements constitutifs du cirque qu’il exploite alors que l’autorisation d’occupation du domaine publique lui avait été délivrée le 13 février pour la période du 5 au 18 mars 2018 ; n’ayant aucun autre terrain de repli, l’exécution de la décision attaquée l’obligera à stationner sur la voie publique jusqu’au 18 mars 2018, situation constituant un risque de trouble à l’ordre public ;

— la décision est illégale dès lors que le vœu du conseil municipal sur lequel elle est fondée ne saurait constituer une motivation suffisante, le maire n’étant pas lié par un tel acte ; elle est également entachée d’incompétence en ce qu’elle est fondée sur une délibération du conseil municipal du 21 décembre 2017 alors que celui-ci ne détient aucun pouvoir de police ; elle méconnaît enfin les dispositions des articles L. 243-3 et L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration dès lors que l’administration n’est autorisée à retirer un acte créateur de droit qu’à condition que celui-ci soit illégal, ce qui n’est pas le cas de l’autorisation d’occupation du domaine public du 13 février 2018 dont il bénéficiait.

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Vu : – la requête enregistrée sous le numéro 1802173 par laquelle M. XXX demande l’annulation de la décision attaquée, – les autres pièces des dossiers.

Vu : – le code général de la propriété des personnes publiques, – le code général des collectivités territoriales, – le code des relations entre le public et l’administration, – le code de l’environnement, – le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Agnel, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique tenue le 13 mars 2018 en présence de Mme Redjimi, greffière d’audience, M. Agnel a lu son rapport et entendu :

— les observations de M. XXX qui a expliqué avoir obtenu son autorisation plus d’un mois avant le 5 mars et que trois représentations du spectacle de son cirque étaient encore prévues jusqu’au 18 mars ; il a également fait valoir qu’il ne pourrait pas retrouver d’emplacement d’ici le lundi 19 mars ;

— les observations de Me Delescluse, représentant La commune de Saint-Denis, qui a conclu au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de M. XXX une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; La commune de Saint-Denis soutient que :

* il n’y a plus lieu à statuer en ce que l’arrêté attaqué a été retiré par un arrêté du 8 mars 2018 ; * M. XXX n’a pas qualité pour agir, l’autorisation d’occupation du domaine public ayant été accordée au cirque Europa Circus Show et non pas au requérant ; * M. XXX a signé une déclaration, à l’appui de son dossier de demande d’autorisation, selon laquelle il ne détenait pas d’animaux sauvages ; que cependant cette déclaration s’est avérée fausse ce qui a motivé le retrait de la permission de stationnement ; * l’urgence n’est pas caractérisée en ce qu’il n’est pas établi que la désinstallation du cirque serait particulièrement difficile et que l’établissement n’aurait pas de terrain de repli ; * il y a au contraire urgence à ne pas suspendre puisque la permission de stationnement a été obtenue sur la foi d’une fausse déclaration ; * il n’existe aucun doute sur la légalité de la décision de retrait en ce que l’exception d’illégalité du vœu du conseil municipal est un moyen inopérant puisque le maire a entendu faire usage de ses pouvoirs propres de police et non pas exécuter le vœu du conseil municipal ; ce moyen ne serait pas fondé puisque le vœu est dépourvu de portée règlementaire et décisoire ; * le retrait lui-même n’est pas illégal puisque la décision initiale créatrice de droit a été obtenue par fraude sur la base d’une fausse déclaration et que cette fausse déclaration a conduit le maire à délivrer une autorisation sur la base d’une erreur de fait et d’une erreur d’appréciation en ce qu’il n’a pu vérifier les conditions de sécurité en toute connaissance de cause ;

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* s’agissant de l’arrêté du 8 mars 2018, l’abrogation d’un acte individuel est possible à tout moment et l’autorisation initiale était illégale ;

— la réplique de M. XXX qui a contesté toute fausse déclaration et fait valoir que sa déclaration se bornait à préciser que ses animaux sauvages ne participaient pas aux spectacles et non pas qu’il n’en détenait pas du tout.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Une note en délibéré a été produite pour M. XXX le 14 mars 2018 à 10 heures 40, postérieurement à la clôture de l’instruction.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que suivant arrêté du 13 février 2018, le maire de Saint-Denis a délivré à M. XXX, en sa qualité d’ exploitant du cirque Europa Circus Show, l’autorisation d’occuper le domaine public aux fins d’installation sur la place du 8 mai 1945 du 5 mars au 18 mars inclus ; que le cirque exploité par M. XXX s’est en conséquence installé sur la place du 8 mai 1945 à compter du 5 mars 2018, conformément à la permission qui lui avait été délivrée ; que toutefois, par l’arrêté attaqué du 6 mars 2018, le maire de Saint-Denis a retiré son précédent arrêté du 18 février et a enjoint à M. XXX de retirer l’intégralité de son installation « immédiatement à compter de la réception du présent arrêté » ; que cependant, par arrêté du 8 mars 2018, postérieur à la date d’enregistrement de la présente requête, le maire de Saint-Denis a pris une décision d’abrogation de la permission d’occupation du domaine public du 13 février 2018 ;

En ce qui concerne l’exception de non-lieu :

3. Considérant que l’article 1er de l’arrêté du 8 mars 2018 est ainsi rédigé : « L’arrêté n° NT/VO n° 9655.18 du 13 février 2018 est abrogé, à compter de sa notification » ; que cette rédaction ne permet pas de comprendre si la permission de stationnement du 13 février 2018 est abrogée à compter de la notification de l’arrêté du même jour ou à compter de la notification de l’arrêté du 8 mars 2018 lui-même ; que la première interprétation conduirait à analyser cet arrêté du 8 mars 2018 ni plus ni moins comme une décision de retrait identique à celle du 6 mars 2018 tandis que la seconde subordonne l’abrogation à la notification de l’arrêté du 8 mars 2018 alors qu’ une telle notification n’est nullement établie par les pièces produites à l’audience par la commune défenderesse ; qu’il se déduit de ces éléments qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’arrêté du 6 mars 2018 aurait été annulé par le maire de Saint-Denis à la date à laquelle le juge des référés est emmené a statuer ; que par suite, La commune de Saint-Denis n’est pas fondée à soutenir qu’il n’y aurait plus lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. XXX aux fins de suspension ;

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En ce qui concerne la qualité pour agir de M. XXX :

4. Considérant d’une part, qu’il ressort de l’arrêté du 13 février 2018 que l’autorisation d’occupation du domaine public a été accordée à M. XXX et non pas au cirque Europa Circus Show, d’autre part, qu’il ressort de l’extrait kbis produit par La commune de Saint-Denis que M. XXX exploite le cirque litigieux à titre individuel en son nom propre ; que M. XXX est ainsi recevable à agir à l’encontre de l’arrêté attaqué ; que, par suite, la fin de non-recevoir invoquée de ce chef par La commune de Saint-Denis doit être écartée ;

En ce qui concerne l’urgence :

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il résulte des débats que le cirque exploité par M. XXX s’est installé le 5 mars 2018 sur la place du 8 mai 1945 à Saint-Denis en vertu d’une autorisation obtenue le 13 février 2018 ; que le retrait inopiné de cette autorisation ainsi que l’obligation qui lui est faite d’évacuer les lieux sans délai ni préavis est de nature à lui faire perdre les recettes des trois représentations encore prévues d’ici au18 mars et l’oblige à démonter et à déplacer les éléments de son cirque sans solution d’accueil et de stationnement ; que si La commune de Saint-Denis soutient qu’il n’est pas justifié que le cirque n’aurait pas un terrain de stationnement à sa disposition, il ressort de nouveau de l’extrait kbis de M. XXX que son exploitation est nomade et ne dispose pas d’un établissement stable ; que si La commune de Saint-Denis soutient qu’il y aurait urgence à faire exécuter son arrêté en ce que M. XXX aurait fait une fausse déclaration au terme de laquelle son cirque ne détenait pas d’animaux sauvages, il ressort de la déclaration effectuée par M. XXX à l’appui de son dossier de demande d’autorisation que ce dernier s’est borné à déclarer que ses animaux sauvages ne participaient pas à ses spectacles et non pas qu’il n’en détenait pas ; que cette affirmation est au demeurant corroborée par le programme des spectacles, produit aux débats par la commune, lequel ne mentionne pas la participation d’animaux, qu’ils soient domestiques ou sauvages ; que dans ces conditions, La commune de Saint-Denis n’est pas fondée à soutenir qu’une fraude commise par M. XXX ferait obstacle à ce que l’atteinte à une situation créatrice de droits à son profit puisse être constatée par le juge des référés ; que, par suite, la décision attaquée est de nature à porter atteinte de manière suffisamment grave et immédiate aux intérêts de l’exploitation de M. XXX ; que, dès lors, l’urgence de l’affaire est établie ;

En ce qui concerne l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision :

6. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er de l’arrêté du maire de Saint-Denis du 6 mars 2018 : « L’arrêté (…) du 13 février 2018 est retiré conformément à la prescription suivante : détention d’animaux sauvages. » ; que l’arrêté litigieux mentionne comme unique motif le vœu du conseil municipal du 21 décembre 2017 relatif « à l’interdiction sur le territoire français des cirques détenant les (sic !) animaux sauvages » ; que dans ces conditions, La commune de Saint-Denis n’est pas fondée à soutenir que son maire, par l’arrêté attaqué, se serait borné à faire usage de ses pouvoirs propres et n’aurait pas entendu exécuter les prescriptions de cette délibération du conseil municipal du 21 décembre 2017 ; que par cet acte du 21 décembre 2017, sur lequel se fonde l’arrêté attaqué, le conseil municipal de Saint-Denis a décidé de renoncer à recevoir sur son propre territoire des cirques détenant des animaux sauvages ; qu’une telle délibération qui revêt un caractère normatif et ne constitue pas un simple vœu dépourvu de portée décisoire, est par suite contraire aux dispositions de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales aux termes duquel «Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de

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l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs. » ; que, par suite, le moyen soulevé par M. XXX, tiré de l’exception d’illégalité du règlement du conseil municipal interdisant les cirques détenant des animaux sauvages sur le territoire de La commune de Saint-Denis, paraît, en l’état de l’instruction propre à créer un doute sur la légalité de l’arrêté attaqué ;

7. Considérant en second lieu, que si La commune de Saint-Denis soutient, devant être regardée ce faisant, comme demandant une substitution de motif, que l’autorisation d’occuper le domaine public a été obtenue par fraude à la suite d’une fausse déclaration de M. XXX, il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que M. XXX n’a effectué aucune déclaration frauduleuse et alors qu’il n’est pas contesté que la page facebook de son cirque faisait publiquement état de ce qu’il détient des animaux sauvages, détention pour laquelle, au demeurant, il satisfait aux obligations qui sont les siennes au titre des articles L. 413-1 et suivants du code de l’environnement ; que, par suite, La commune de Saint-Denis n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté du 13 février 2018 serait entaché d’illégalité pour être fondé sur des éléments erronés à la suite de renseignements inexacts communiqués par M. XXX ; que, par suite, le moyen soulevé par le requérant, tiré de ce que les conditions du retrait prévues à l’article L. 243-3 du code des relations entre le public et l’administration n’étaient pas réunies paraît également, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du 6 mars 2018 ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. XXX est fondé à demander la suspension des effets de l’arrêté du maire de Saint-Denis du 6 mars 2018 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de La commune de Saint-Denis la somme de 1 000 euros à verser à M. XXX au titre des frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en revanche à ce que M. XXX verse à La commune de Saint-Denis la somme de 3 000 euros qu’elle demande à ce titre ;

ORDONNE:

Article 1er : Les effets de l’arrêté du 6 mars 2018 par lequel le maire de Saint-Denis a procédé au retrait de son précédent arrêté du 13 février 2018 autorisant M. XXX à installer son cirque sur la place du 8 mai 1945 du 5 au 18 mars 2018 sont suspendus jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond.

Article 2 : La commune de Saint-Denis versera à M. XXX la somme de 1 000 (mille) euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de La commune de Saint-Denis sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. XXX et à La commune de Saint-Denis.

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Fait à Montreuil, le 14 mars 2018.

Le juge des référés, La greffière,

Signé Signé Signé

M. Agnel M. Redjimi

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Fiche créée le 30/04/2018 par Codeanimal   vue 10 fois.