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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre 30/01/2017

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Cour d'Appel Administrative
30/01/2017
15BX03055
article L. 211-11 du code rural
Animaux domestiques, Dangerosité chiens, Police administrative
CAA de BORDEAUX

N° 15BX03055
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre - formation à 3
M. LARROUMEC, président
M. Pierre BENTOLILA, rapporteur
Mme MOLINA-ANDREO, rapporteur public
HOULGARD, avocat


lecture du lundi 30 janvier 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...et M. B...C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 26 août 2014 par lequel le maire de la commune de Corme Ecluse a décidé sur le fondement de l'article L. 211-11 du code rural le placement dans un lieu de dépôt de deux chiens dont ils sont propriétaires.

Par un jugement n° 1402615 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes de Mme D...et M. B...C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2015 et un mémoire complémentaire du 18 juillet 2016, Mme D...et M. B...C..., représentés par MeG..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 août 2014 du maire de Corme Ecluse ;

3°) d'enjoindre au maire de leur restituer leurs animaux ;

4°) de mettre à la charge de.la commune de Corme Ecluse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- compte tenu de sa motivation l'arrêté du 26 août 2014 doit être regardé comme ayant été pris sur le fondement du I de l'article L. 211-11 du code rural dès lors que notamment il fait état pour ce qui concerne les animaux visés par cet arrêté d' " un danger pour eux-mêmes et pour la sécurité publique " et non au sens du II de l'article L. 211-11 du même code(...)" (...)d ('un).danger grave et immédiat (...) " ;
- que dans ces conditions, la procédure afférente au I de l'article L. 211-11 du code rural devait être respectée, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, dès lors que la mise en demeure n'est intervenue que le 27 août 2014, soit postérieurement à l'intervention de l'arrêté du maire, le 26 août 2014 et.ne leur a été notifiée que le 29 août 2014 ;
- l'arrêté du 26 août 2014 est entaché d'une erreur de fait, dès lors que contrairement à ce que cet arrêté indique, les chiens sont en parfaite santé et ne se trouvent pas en situation d'abandon, comme l'établissent notamment une attestation de la responsable du refuge où sont placés les animaux et un constat d'huissier établi le 1er septembre 2014 ;
- une attestation du 30 septembre 2014, du vétérinaire indique que le stafford shire terrier ne présente pas de caractéristiques justifiant son classement dans les catégories I et II de chiens dangereux ;
- la circonstance que l'un des deux chiens (le Sharpei) se soit montré agressif lors de sa capture, n'est pas un signe de dangerosité, dès lors que lors d'une tentative de capture, les chiens cherchent à se défendre ;
- les chiens visés par l'arrêté du 26 août 2014 ne sont pas en situation de divagation, dès lors que comme l'établit le constat d'huissier du 1er septembre 2014, leur propriété est protégée de l'accès à la route par un grillage et la porte est fermée par un cadenas.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 juin et le 23 décembre 2016, la commune de Corme Ecluse, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme D...et de M. B...C...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
-.le moyen tiré du vice de procédure invoqué par.les requérants.sur le fondement de l'article L. 211-11 I du code rural, doit être écarté dès lors que l'arrêté du 26 août 2014 se fonde sur le fait que les chiens de Mme D...et M. B...C...présentent un danger pour eux-mêmes et pour la sécurité publique et que cette situation relève donc de l'article L. 211-11 II du code rural ;
- en ce qui concerne l'erreur de fait alléguée, le constat d'huissier du 1er septembre 2014 sur lequel se fondent.les requérants est postérieur de cinq jours à l'arrêté contesté du 26 août 2014 et ne saurait donc utilement remettre en cause la réalité des faits à la date du 26 août 2014 ;
- le chien stafford shire terrier relevait de la catégorie I des chiens dangereux alors que le sharpei s'est montré très agressif lors de sa capture, comme l'indique dans une attestation, M.E..., responsable de la société spécialisée qui a transporté ces animaux ;
- M.H..., vétérinaire ayant à la demande de l'administration, examiné les deux chiens visés par l'arrêté du 26 août 2014, a considéré, le 29 août 2014, que le chien Dragon était un stafford shire terrier relevant de la catégorie I. et du niveau 4 et donc un chien dangereux ;
- l'état d'abandon de ces chiens est par ailleurs établi par les différents rapports et attestations figurant au dossier ;
- en ce qui concerne la demande d'injonction, les requérants n'ont jamais cherché à récupérer leurs chiens alors que l'un des deux chiens est décédé et que l'autre a peut être fait l'objet d'une adoption ;



Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant la commune de Corme Ecluse et du maire de la commune.



Considérant ce qui suit :


1. Par un arrêté du 26 août 2014, le maire de Corme Ecluse a décidé sur le fondement de l'article L 211-11 du code rural le placement de deux chiens appartenant à Mme I...D...et M. A...B...C...dans un lieu de dépôt adapté à leur accueil et à leur garde. Par un jugement du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes de Mme D...et M. B...C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2014.


Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 7° le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces. "..

3. En vertu.de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime : " I- Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire (...) peut prescrire au propriétaire ou au gardien de cet animal de prendre des mesures de nature à prévenir le danger. Il peut à ce titre, à la suite de l'évaluation comportementale d'un chien réalisée en application de l'article L. 211-14-1, imposer à son propriétaire ou à son détenteur de suivre la formation et d'obtenir l'attestation d'aptitude prévue au I de l'article L. 211-13-1. En cas d'inexécution (...) des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. Si, à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés, le propriétaire ou le détenteur ne présente pas toutes les garanties quant à l'application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d'un vétérinaire désigné par le préfet, soit à faire procéder à l'euthanasie de l'animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l'article L. 211-25. Le propriétaire ou le détenteur de l'animal est invité à présenter ses observations avant la mise en oeuvre des dispositions du deuxième alinéa du présent I. / II.- En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie./ Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l'article L. 211-12 qui est détenu par une personne mentionnée à l'article L. 211-13 ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l'article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé et tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du même article, (...) ". Ces dispositions confient à l'autorité de police municipale le soin de faire cesser les troubles à l'ordre public et de prévenir les risques à la sécurité publique résultant du danger que présente pour les personnes et les animaux domestiques le comportement d'animaux, compte tenu des modalités de leur garde.

4. L'arrêté contesté vise les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, sans précision quant au fait qu'il ferait application des dispositions précitées du I de cet article ou de celles du II. Toutefois, comme le font valoir les requérants, dès lors que l'arrêté fait référence dans ses motifs, au fait, ce qui entre dans les prévisions de l'article L. 211-11 I, qu'en raison de " (...) cette situation d'abandon par leur propriétaire ou détenteur et de leur condition précaire de garde, les animaux de Mme D...et M. B...C...présentent un danger pour eux-mêmes et pour la sécurité publique ...." et non à une situation de. " ...danger grave et immédiat (...) " visée au II de l'article L. 211-11 II du code rural, l'arrêté doit être regardé comme ayant été pris sur le fondement de l'article L. 211-11 I du code rural et non comme l'ont relevé les premiers juges sur la base de l'article L. 211-11 II du même code.

5. Dans ces conditions, le moyen invoqué par les requérants tiré d'un manquement à la procédure de mise en demeure et à la procédure contradictoire prévues par l'article L. 211 11 I du code rural est opérant.

6. Si par un courrier du 27 août 2014, dont les intéressés n'ont reçu notification que le 29 août 2014, le préfet de la Charente-Maritime a mis en demeure Mme D...et M. B... C... de " (...) placer les chiens dans un environnement adapté sans risque de divagations (...) " et de produire les justificatifs d'identification des chiens, ainsi qu'une attestation d'aptitude et de faire procéder à une évaluation comportementale de ces chiens, et les a invités à présenter leurs observations, cette invitation à produire des observations, qui n'émane en tout état de cause pas du maire de Corme Ecluse, mais du préfet, est intervenue postérieurement à l'arrêté du 26 août 2014 ce qui entache d'irrégularité cet arrêté.

7. Mme D...et M. B...C...ayant été privés d'une garantie dès lors qu'ils n'ont pas été en mesure avant l'intervention de l'arrêté en litige du 26 août 2014 de pouvoir produire les justificatifs demandés ni de pouvoir présenter utilement des observations, ils sont donc fondés à soutenir que l'arrêté du 26 août 2014 est entaché d'illégalité pour être intervenu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D...et M. B...C...sont fondés à demander l'annulation du jugement du 9 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif.de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2014 du maire de Corme Ecluse décidant sur le fondement de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime le placement de deux chiens leur appartenant dans un lieu de dépôt adapté à leur accueil et à leur garde.


Sur les conclusions en injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Si les requérants sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, demandent d'enjoindre au maire de leur restituer leurs animaux, ils n'apportent pas de précisions suffisantes à l'appui de leurs conclusions alors que.la commune indique en défense, que l'un des deux chiens, serait décédé et que l'autre aurait peut être adopté. Faute de précisions apportées par les requérants à l'appui de leurs conclusions en injonction, ces conclusions ne peuvent être que rejetées.


Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme D...et M. B...C...qui n'ont pas la qualité de partie perdante, versent à la commune la somme qu'elle demande sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Corme Ecluse la somme de 1 500 euros à verser à Mme D...et à M. B...C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402615 du 9 juillet 2015 du tribunal administratif de Poitiers et l'arrêté du 26 août 2014 par lequel le maire de la commune de Corme Ecluse a décidé le placement de deux chiens de Mme D... et M. B...C...dans un lieu de dépôt adapté sont annulés.
Article 2 : La commune de Corme Ecluse versera à Mme D...et M. B...C...la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Corme Ecluse sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...et M. B...C...et à la commune de Corme Ecluse.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller
Lu en audience publique, le 30 janvier 2017

Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX03055
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000033978687

Fiche créée le 08/12/2017 par Y Yasbaa   vue 39 fois.