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Cour de cassation, crim., 16 juin 2015, n° 14-86387

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Cour de Cassation
Chambre criminelle
16/06/2015
14-86387
publié
article 521-1 du Code pénal
Abandon d'animaux, Eléments constitutifs, Absence de sévices graves ou d’actes de cruauté
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 16 juin 2015
N° de pourvoi: 14-86387
Publié au bulletin Cassation partielle

M. Guérin , président
Mme Mirguet, conseiller rapporteur
M. Desportes, avocat général
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat(s)


Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La Fondation 30 millions d'amis,
- L'Oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs,
- L'association One Voice,

parties civiles,


contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 14 août 2014, qui, dans la procédure suivie contre MM. Jean-Louis et Jean-Marc X... du chef de sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, après requalification des faits en mauvais traitement à animaux, a constaté l'extinction de l'action publique par prescription, et a déclaré irrecevables les demandes des parties civiles ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Mirguet, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de Mme le conseiller MIRGUET, les observations de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET et de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité

I- Sur le pourvoi de la Fondation 30 millions d'amis :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II- Sur les autres pourvois :

Vu les mémoires produits ;

Attendu que M. Jean-Louis X... et M. Jean-Marc X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, notamment, pour avoir exercé des sévices graves ou commis des actes de cruauté envers des animaux domestiques, en l'espèce, en privant intentionnellement leurs bovins de nourriture et de soins pendant plusieurs semaines avec pour conséquence la mort de ces animaux ; que le tribunal correctionnel, après requalification des faits en abandon d'animaux, les a déclarés coupables et a prononcé sur les intérêts civils ; que les prévenus et les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour l'association One Voice, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 521-1 et R. 654-1 du code pénal, préliminaire, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que les faits poursuivis sous la qualification d'actes de cruauté envers animaux doivent recevoir la qualification contraventionnelle de mauvais traitements à animaux, constaté l'extinction de l'action publique, déclaré l'action civile éteinte par la prescription et déclaré l'association One Voice irrecevable à agir ;

"aux motifs qu'il est jurisprudence que ne saurait constituer le délit d'abandon d'animaux le seul fait de laisser des animaux dans un pré sans nourriture, ni abreuvement, en l'absence de sévices ou d'actes de cruauté accomplis volontairement dans le but de provoquer la souffrance ou la mort ; que dès lors les faits imputés aux frères X... constituent en réalité des mauvais traitements envers un animal domestique, contravention prévue et réprimée par l'article R. 654-1 du code pénal ; que la cour entrera en voie de requalification de ce chef ; que cette contravention se trouve prescrite dès lors que sur leur appel, formulé le 11 septembre 2012, le mandement de citation des frères X... n'a été fait que le 25 juin 2014, soit plus d'un an après ; qu'il convient en conséquence de constater l'extinction de l'action publique du chef de cette contravention et de déclarer les parties civiles irrecevables en application de l'article 10 du code de procédure pénale ;

"1°) alors que se rend coupable d'abandon d'animaux celui qui se désintéresse volontairement du sort de ses bovins, laissés dans un pré sans leur fournir ni eau, ni nourriture correspondant en quantité et en qualité à leurs besoins ; qu'en exigeant la preuve de sévices ou d'actes de cruauté pour caractériser le délit d'abandon, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a méconnu la portée des textes susvisés ;

"2°) alors que le juge répressif ne peut disqualifier un délit en contravention, constater d'office la prescription de l'action publique et soulever l'irrecevabilité de l'action civile, sans inviter les parties civiles à présenter leur observations ; qu'après avoir disqualifié les faits poursuivis en contravention de mauvais traitement à animal domestique, la cour d'appel a, d'office, constaté l'extinction de l'action publique par prescription et déclaré l'action civile irrecevable comme prescrite ; qu'en se déterminant ainsi sans permettre aux parties civiles de présenter leurs observations, elle a violé le texte conventionnel susvisé ; "

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour l'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, pris de la violation des articles 521 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que les faits poursuivis sous la qualification d'actes de cruauté envers animaux s'analysaient, en réalité, sous la qualification contraventionnelle de mauvais traitements à animaux, prévue et réprimée par l'article R 654-1 du code pénal, et a requalifié en ce sens les faits poursuivis ;

"aux motifs que l'article 521-1 du code pénal incrimine, sous la qualification d'actes de cruauté envers animaux le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves ou de nature sexuelle, de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique ou apprivoisé, ou tenu en captivité ; que cette infraction suppose, donc, que les actes incriminés ont été accomplis intentionnellement, dans le dessein de provoquer la souffrance ou la mort ; que le tribunal, pour écarter l'application de cette qualification pénale, après avoir constaté que l'instruction avait mis en évidence que de nombreux bovins avaient péri, faute d'avoir reçu une nourriture en quantité suffisante et des soins appropriés, et que l'état famélique de plusieurs animaux retrouvés dans les prés du gaec X... témoignait des graves carences et négligence qui se sont produites au sein de ce groupement agricole et ce pendant plusieurs mois si l'on se réfère aux nombreux ossements et cadavres putréfiés découverts, a considéré que les faits caractérisaient, en réalité, le délit d'abandon d'animaux prévu et réprimé à l'alinéa 7 de l'article précité du code pénal, en précisant qu'aucun acte positif n'avait été accompli par les prévenus dans le dessein de provoquer la souffrance ou la mort, même si leurs graves carences dans le traitement de leurs bêtes avait abouti au même résultat ; qu'il est de jurisprudence que ne saurait constituer le délit d'abandon d'animaux ci-dessus visé le seul fait de laisser des animaux dans un pré sans nourriture ni abreuvement, en l'absence de sévices ou d'actes de cruauté accomplis volontairement dans le but de provoquer la souffrance ou la mort ; que, dès lors, les faits imputés aux frères X... constituent, en réalité, des mauvais traitements envers un animal domestique contravention prévue et réprimée par l'article R. 654-1 du code pénal ; que la cour entrera en voie de requalification de ce chef ;

"alors que l'article 521-1 du code pénal distingue le délit prévu à l'alinéa 1er, qui punit les sévices graves ou l'acte de cruauté commis sur un animal domestique ou tenu en captivité, accomplis volontairement dans le but de provoquer la souffrance ou la mort des animaux, du délit prévu à l'alinéa 7 qui réprime l'abandon volontaire d'un animal domestique ou tenu en captivité ; qu'en retenant que ne saurait constituer le délit d'abandon d'animaux le seul fait de laisser des animaux dans un pré sans nourriture ni abreuvement, en l'absence de sévices ou d'actes de cruauté accomplis volontairement dans le but de provoquer la souffrance ou la mort, quand ces éléments sont constitutifs du délit de sévices ou d'actes de cruauté réprimé à l'article 521-1, alinéa 1er, du code pénal, mais non du délit d'abandon d'un animal domestique ou tenu en captivité réprimé à l'alinéa 7 du même article, la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation des dispositions susvisées ; "

Les moyens étant réunis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour l'association One Voice pris en sa seconde branche :

Vu l' article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 388 et préliminaire du code de procédure pénale ;

Attendu que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, le juge ne peut relever d'office un moyen de droit sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ;

Attendu que, pour disqualifier les faits en contravention de mauvais traitement à animaux, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la disqualification envisagée susceptible d'entraîner la prescription de l'action publique et par voie de conséquence l' irrecevabilité des demandes des parties civiles, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;

D' où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le moyen unique de cassation proposé pour l'association One Voice, pris en sa première branche et sur le premier moyen de cassation, proposé pour l'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs :

Vu l'article 521-1 du code pénal ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, sont punis des mêmes peines, à l'alinéa 1, les sévices graves ou l'acte de cruauté commis sur un animal domestique ou tenu en captivité, accomplis volontairement dans le but de provoquer la souffrance ou la mort des animaux, et à l'alinéa 7, l'abandon d' animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité ; que ce dernier délit est constitué sans que ne soit requis l'existence de sévices ou d'actes de cruauté accomplis dans le but de provoquer la souffrance ou la mort ;

Attendu que, pour disqualifier les faits en contravention de mauvais traitement à animaux, constater la prescription et déclarer irrecevables les parties civiles, la cour d'appel retient que ne saurait constituer le délit d'abandon d'animaux le seul fait de laisser des animaux dans un pré sans nourriture ni abreuvement, en l'absence de sévices ou d'actes de cruauté accomplis volontairement dans le but de provoquer la souffrance ou la mort ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen proposé pour l'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs :

I- Sur le pourvoi formé par la fondation 30 millions d'amis :

Le REJETTE ;

II- Sur les autres pourvois :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 14 août 2014, mais en ses seules dispositions civiles relatives à l'association One Voice et à l'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur l'existence d'une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize juin deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030758440&fastReqId=1435053514&fastPos=4

Fiche créée le 27/05/2018 par L Lbourdin   vue 11 fois.